Monday, April 2

Réflexions sur l'efficacité en 2012

La mesure de l'efficacité sous l'angle de la création et de la créativité des moyens étaient au centre de la journée annuelle de l'IREP consacrée à l'efficacité publicitaire. Un réel challenge. Car si la mission d'un média est d'exposer le consommateur au message, la réussite d'une campagne dépendra surtout de la création et des moyens mis en oeuvre. C'est également l''occasion de se rendre à Paris. Car j'admire l'art de la rhétorique de mes collègues français. Voici mes notes et réflexions personnelles sur les présentations qui ont su retenir toute mon attention:

L'émotion est au coeur du mystère

Je suis malheureusement arrivée à la fin de l'exposé de François Attali: " L'impact d'une communication repose d'abord sur des processus psychologiques".  Le temps de noter la conclusion: "L'émotion est le nerf de l'impact et de la valeur d'un produit". A la question : "OK. Mais le problème est que nous n'arrivons pas entièrement à identifier - dans la créa mais également en général - ce qui crée cette valeur émotionnelle?" La réponse fuse: "C'est tout à fait subsidiaire. C'est le produit qui doit être reconnu, pas la valeur émotionnelle de la création ou de la marque" Je ne peux qu'approuver. Car au final, on ne vend pas une création mais un produit, une marque, un univers, une solution,... Quitte à verser dans le sentimentalisme, je suis assez persuadée qu'il y aura toujours une part de mystère, c'est ça aussi la magie de la publicité.

De la persuasion à l'adhésion

Au centre de l'exposé de Nicolas Riou, l'importance des consumer insights ou 'l'identification de ce qui peut apporter un supplément d'être au consommateur', pour le citer.  Appréhender la vérité du point-de-vue du consommateur.  La garantie de ne pas développer une promesse à côté de la plaque. Afin d'illustrer son propos, rien de moins que des analyses de campagnes de communication efficaces, notamment celles primées au prix Effie. Inutile de préciser mon intérêt dans la question, au vu de mon implication dans l'étude #Femininsight de Sanoma Media.

Quels insights mettre en oeuvre lors de création et de planification de campagnes? 'Les méthodos classiques n'aboutissant que trop souvent à des caricatures dans la création de campagnes'. Dans son livre Marketing Anatomy, Nicolas Riou identifie 4 sortes d'insights:

  • les insights d'usage : une solution pour une insatisfaction/un besoin
  • les insights motivationnels : plus aspirationnels qu'utilitaires, liés aux valeurs socioculturelles 
  • les insights attitudinaux : liés à des opinions, des croyances, des valeurs plus individuelles
  • les insights psychologiques : le domaine de la construction et de l'affirmation de l'identité, la marque à le rôle d'une béquille identitaire 

L'identification de(s) l'insight(s) utile(s), le POWER INSIGHT, est d'une importance capitale dans le développement - créatif et stratégique - d'une marque. D'où l'importance des observations à domicile, le prolongement d'études de type consumer insights et l'identification des tendances socioculturelles. Car les tendances d'aujourd'hui sont peut-être au centre de comportement routinier de nos consommateurs (de) demain. 

(Quelques) Ingrédients pour une création efficace

Célia Gervaise et Coline Jubert de TNS Sofres ont partagé quelques enseignements sur la recette gagnante d'une création efficace en croisant des indicateurs d'efficacité de campagnes et des critères créatifs spécifiques (tels que la présence d'un jingle, l'utilisation d'un fil rouge, l'utilisation d'une double page, de l'humour, ... ). Exercice ô combien intéressant! A la différence des baromètres propres aux régies publicitaires, TNS Sofres a le luxe - ou le privilège - de disposer d'une base de données multimédias, avec l'ajout récent du digital (un petit 4% de la BDD).

Première conclusion: le score d'agrément (ou likeability) des campagnes est stable: de 76% en 2009, 79% en 2010 à 75% en 2011, pas de gros glissements. Une conclusion qui vaut également pour les annonces parues dans les magazines de Sanoma Media Belgium  et testées dans le baromètre stop/watch.

Bien sûr, le score d'agrément ne suffit pas à identifier l'impact d'une créa. Ou pour le dire autrement:  Si la création a un indice faible d'agrément cela constitue forcément un malus. Si la création plaît cela ne constitue pas forcément un bonus.  Mais la littérature sur le sujet a toujours démontré une forte corrélation entre le score d'agrément et le score de reconnaissance (recognition).  Et cela se confirme également au travers de l'analyse des campagnes multimédias repris dans les analyses de TNS Sofres. Une analyse sur les annonces du secteur automobile a démontré une forte corrélation entre le buzz (à parlé de la pub, s'est renseigné) et le score d'agrément.

Les critères créatifs influents sont-ils les même selon le média investigué, voir le dispositif média? Inutile de préciser que les créations démultipliées et les campagnes plurimédias ont plus la cote que les dispositifs isolés. Et force est de constater que certains médias se prêtent mieux à la diffusion de messages (plus) rationnels (l'internet, l'affichage et la presse). Ce qui m'a fort troublé c'est l'élément 'saga' qui revenait assez souvent pour la plupart des médias, internet n'étant pas inclus dans cette liste au contraire de la presse. Au travers de ces analyses 'rationnelles', ces deux dames ont, sans le vouloir, démontrées l'importance de l'entertainment et du storytelling en publicité.

La science cognitive au secours de la pub

Comment maîtriser la pub? Pourquoi la pub vend-elle? Bruno Poyet nous propose d'activer les bons processus mémoriels et émotionnels. Car rappelle-t-il, ce sont les souvenirs qui guident le comportement. Elle influe la perception, l'émotion et la raison.

'On choisit par l'émotion. On se rassure par la raison'

La méthode d'IM!Impact Mémoire analyse le projet de communication à travers 150 critères, traités par des évaluateurs qualifiés. L'outil se composant de grilles de questions fermées avec échelle d'intensité. Le message facilite-t-il la décision d'achat? Quelle est la force/la faiblesse du message? D'après l'annonceur présent, Laure Foullon - Marketing Efficiency Measurement Mgr de Coca-Cola - la méthode décrite offre de réelles pistes d'optimisation et prédit l'efficacité potentielle sur les ventes. 

En ce qui concerne Coca-cola, l'utilisation de cet outil a mené à la réallocation de certain budgets médias en fonctions des leviers créatifs de ceux-ci. Aux post-tests, l'annonceur préfère la mesure des leviers efficaces en création et l'identification de sous-objectifs menant à des ROI spécifiques (ROIM = ROI sur image; ROR = ROI sur recrutement, été) . Ce qui mène à des réels changements structurels au sein de la division française.

Un écran de télé à la verticale

Quel est l'impact de l'affichage numérique dans les gares parisiennes? Eric Merklen, Directeur Marketing de Mediatransports, nous livre quelques indicateurs grâce à une mesure barométrique mise en place à l'automne 2011 et portant sur une trentaine de campagnes.

L'affichage numérique plaît à un public jeune (18-34 ans) et même si les hommes semblent plus réceptifs, il interpelle un public mixte. Les voyageurs interrogés sur leur perception de ce média parlent de mini-film et d'écran de télé. Et ce sont bien les créations qui jouent la carte visuelle, plutôt que la carte de la lecture, qui atteignent les meilleurs scores. Il s'agit d'un mode d'expression définitivement plus créatif et narratif que l'affichage classique. 10 secondes sans bande-son pour interpeller le voyageur en mouvement.  

Conclusion

Des outils classiques tels que les baromètres d'impact, qui mesure la notoriété d'un visuel pendant et après la campagne, restent de bons indicateurs de l'efficacité d'une création mais ne suffisent pas à expliquer la réussite d'une campagne. Souvent parce qu'ils ne prennent pas en compte les (sous-) objectifs spécifiques d'une campagne. La journée sur l'efficacité de l'IREP aura démontré qu'il existe des moyens pour optimiser la création avant parution - grâce à l'identification de power insight(s) ou l'aide de la science cognitive.

Mesurer l'efficacité de la création publicitaire ne suffit pas: il faut également connaître les spécificités (des leviers d'efficacité) de chaque média pour pouvoir en profiter pleinement. En cela, on peut conclure que la publicité est réellement un métier où plusieurs disciplines se côtoient et s'enrichissent, que l'on soit 'créatif' ou 'analytique'.